Ceux qui suivent mon blog le savent, j'aime bien triturer les chiffres ... Ici je récidive pour un article qui est certes techniques mais pour lequel du doliprane 500 devrait suffire à calmer les douleurs de tête consécutives à sa lecture. Attention toutefois, je sors un peu des sentiers battus concernant l'utilisation des calculateurs de chaîne de propulsion, mais je vais essayer d'être clair.

 

En préliminaire je précise que tout ce qui suit se rapporte au comportement de la chaine de propulsion en statique (avion maintenu au sol à l'arrêt ou moteur sur un banc). En particulier la formule de Boucher qui est utilisée dans les calculs détermine bien la puissance consommée par l'hélice au sol. C'est d'ailleurs comme cela que fonctionnent la plupart des calculateurs (mis à par celui du module motorisation de PredimRc).

 

Récemment il y a eu un sujet sur le forum modelisme.com ou un membre posait la question suivante : "sur un avion électrique, j'installe une hélice, et quand je teste l'ampérage tiré je suis trop large, beaucoup...via ma radio je crée une courbe de gaz de 0 à 50% (je ne limite pas à 50% mais je crée une ligne droite de 0 à 50%) au lieu bien sûr de 0 à 100% et là je suis bon en ampérage. Du coup j'utilise bien mon manche des gaz de 0 à 100% sans trou sur une partie de la course...
Quels peuvent être les inconvénients d'une telle limitation ?
"

La réponse des autres membres a été la réponse habituelle, je reprends celle du premier qui a répondu : "La commutation à haute fréquence lorsque tu fais fonctionner à régime intermédiaire fait chauffer le variateur mais aussi le moteur plus que de besoin. De plus ton moteur va fonctionner sur une courbe de puissance à plus faible rendement".

La fin de l'histoire c'est qu'après plusieurs échanges, questions, explications la personne qui posait la question initiale a monté une hélice plus petite, remis la course à 100% et semble en être parfaitement content. J'en profite pour donner quelques informations sur le matériel :

  • Moteur Turnigy L2210A-1650 donné pour un Kv de 1650, un courant à vide de 1.3A et pouvant supporter 17.5 ampères. Pas d'indication sur la résistance interne (de toute façon la valeur de résistance interne donnée par les fournisseurs n'est que très rarement exacte).
  • Hélice initiale (la "grande hélice") : 9 x 6 repliable
  • Hélice finale (la "bonne hélice") : 6 x 4.5 pales fixes

 

Je me suis alors demandé si il était possible de quantifier cette perte de rendement. J'ai commencé à poser le calcul pour l'évaluer avec la position du manche plein gaz. Pas de problème pour calculer le rendement plein gaz avec la "bonne hélice". Par contre avec la "grande hélice" ça coinçait, parce que compte tenu de la limitation de course faite sur la radio, manche plein gaz on n'est pas plein gaz. Et on dit toujours que les calculateurs classiques ne donnent un résultat correct que pour la position gaz à fond. En y réfléchissant, c'est à la fois vrai et ... faux

Il est essentiel déjà de comprendre le pourquoi de cette restriction : 

  • D'une part généralement on cherche à connaitre l'intensité maximum qui va traverser le moteur et le contrôleur (pour leur dimensionnement) ou la puissance maximum que va pouvoir délivrer la chaine de propulsion, ou la traction maximum qui va être obtenue (pour connaitre les performances de vol), On s'intéresse rarement à ce qui se passe à pour les autres positions du manche de gaz
  • Le calculateur pour sa part effectue ses calculs sur la base de la tension et de l'intensité en entrée moteur, pas en entrée pack. Alors pourquoi la valeur de tension que nous lui donnons est-elle la tension en sortie de pack ? et comment se fait-il que l'intensité qu'il calcule soit celle que fournit le pack ? Il y a le contrôleur entre le pack et le moteur, qui découpe la tension, donc ça ne devrait pas marcher !! Tout simplement le seul moment où la tension aux bornes du moteur est égale à la tension du pack (et l'intensité fournie par le pack est égale à celle qui parcours le bobinage du moteur), c'est plein gaz, parce que en position plein gaz le contrôleur ne découpe plus la tension et il alimente le moteur sous la tension du pack (la position plein gaz correspond au maximum de vitesse moteur, donc à la tension en entrée de moteur la plus élevée possible).
  • Donc le calculateur sait calculer l'intensité dans le bobinage sous une tension en entrée moteur donnée. On se dit donc que nous allons pouvoir calculer l'intensité, la vitesse etc pour une position de gaz intermédiaire. Pour ce faire nous allons vouloir lui donner la tension correspondant à cette position du manche et c'est là que ça coince, parce que nous ne connaissons pas cette tension. On pourrait la connaitre, pour une radio donnée et un contrôleur donné en faisant des calculs sur la base de la fréquence d'impulsion correspondant à la position du manche sur la radio, et du fonctionnement du soft du contrôleur mais c'est compliqué. Ou faire une mesure en sortie de contrôleur, mais il faut le matériel adapté (les branches de bobinage sont alimentées successivement, un voltmètre ne suffira pas ..). Et on se dit que ce n'est pas faisable, ou du moins que c'est compliqué.

En fait la principale limitation au calcul vient de l'utilisateur, et non pas de l'outil (le calculateur), Il faut tout simplement raisonner d'une manière différente. L'idée est de ne pas s'intéresser à ce qui se passe pour une position donnée de la commande de gaz, mais de regarder ce qui se passe pour une puissance électrique consommée par le moteur donnée. Sachant que la puissance consommée présente l'avantage de pouvoir être mesurée en sortie de pack, puisque au rendement du contrôleur près la puissance consommée par le moteur est la même que celle délivrée par le pack (je sais les puristes vont râler ..mais l'erreur est faible dans l'absolu - quelques % - et comme on va comparer plusieurs hélices et raisonner sur des écarts de rendement pour une puissance consommée donnée cette erreur va en partie être gommée. Et puis on peut toujours mettre un coefficient de rendement ou introduire une résistance du contrôleur dans les calculs). Donc 2 étapes :

  1. Calculer le rendement avec la "bonne hélice". C'est facile, on est plein gaz.
  2. Pour la même puissance électrique consommée calculer le rendement avec la "grande hélice".

Ce que l'on va faire avec tout bon calculateur .. à condition que l'on puisse entrer manuellement la tension, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas (par exemple impossible avec E-calc qui permet que de choisir la capacité du pack, son nombre de "C", son état de décharge mais qui oublie de permettre de saisir directement la tension en sortie de pack ce qui serait pourtant bien utile, ne serait-ce que pour recaler la mesure avec le calcul).

Donc : on fait tourner le calculateur classiquement avec la "petite hélice" gaz à fond et on regarde quelles sont la puissance électrique consommée (sortie de pack) et la puissance mécanique restituée par le moteur (puissance à l'axe).. Ensuite on rentre les caractéristiques de la "grande hélice", et on ajuste la tension rentrée dans le calculateur pour avoir la même puissance électrique consommée. On note la puissance mécanique restituée. Et c'est fini ... parce que le rendement du moteur est égal à la puissance restituée divisée par la puissance consommée (puissance à l'axe / puissance électrique fournie) et donc nous avons notre résultat.

J'en voit qui ont les yeux qui pétillent et se disent qu'on peut même calculer la courbe de rendement sur tout le déplacement de la manette des gaz pour une hélice. Et oui, tout simplement en faisant varier la tension depuis disons 1 volt jusqu'à la tension maximum atteinte en sortie de pack, volt par volt, on peut calculer pour chacune des tensions le rendement du moteur. Et ensuite tracer la courbe rendement fonction de la puissance consommée.(cela n'aurait guère de sens de donner une courbe de rendement par rapport à l'intensité indiquée par le calculateur, parce que cette intensité est celle qui traverse le bobinage, pas celle qui sort du pack).

C'est cette dernière démarche que j'ai retenue. J'ai posé quelques équations sur le papier et j'ai obtenu le tracé automatique de la courbe de rendement sous excel. C'est somme toute très simple, il suffit d'écrire que la puissance à l'axe fournie par le moteur est égale à la puissance consommée par l'hélice.

  • Puissance fournie par le moteur : P = (U - R x I) x ( I - Io ) avec :
    • U tension aux bornes du moteur (pas aux bornes du pack)
    • R résistance interne du moteur (d'une branche de bobinage)
    • I : intensité qui traverse le bobinage
    • Io : intensité moteur à vide. En fait Io n'est pas une constante mais dépend au 1er ordre de la vitesse de rotation N et on peut écrire : Io = a x N + b ou a et b sont des constantes (exprime qu'il y a une relation linéaire entre Io et N). Le plus souvent la valeur donnée pour Io (datasheet etc ..) est celle que l'on a pour une tension de 10 volts, et le seul moyen de connaitre les constantes A et B est de faire des mesures sur le moteur, ou utiliser les données de Drivecalc.
  • Puissance consommée par l'hélice : P = coef x N3, ou coef est un coefficient qui soit est mesuré, soit est calculé par la formule de Boucher.
  • Ajoutons à cela la relation N = Kv x ( U - R * I) où Kv est la constante du moteur en tours/mn/second

On écrit tout simplement que coef x N3 = (U - R x I) x (I - Io) , puis on remplace N par l'expression en fonction de U et I donnée ci-dessus. Je ne développe pas le calcul, mais il permet d'obtenir une équation du second degré en I, dans les coefficients de laquelle apparait U (et cela que l'on considère Io fixe, ou variant avec la vitesse de rotation). On sait résoudre ce type d'équation (à la main c'est fastidieux, je me sers d'Excel pour les calculs) et donc, pour chaque valeur de U on peut calculer une valeur de I. A partir de cela on peut calculer la puissance consommée (U x I), la puissance fournie par le moteur (cf formule plus haut), la vitesse de rotation du moteur et le rendement du moteur.

Bien entendu pour faire ce calcul, il faut connaitre R, Io (ou mieux les coefficients le liant à N), Kv et  le coefficient de l'hélice. Mais cela comme dans tout calcul.

Pour le cas qui nous intéressait sur le forum, il me manquait la résistance R du moteur utilisé. J'ai dû utiliser la valeur du Turnigy 2826 Kv 1650 dont les données se trouvent dans Drivecalc, je n'avais pas mieux. Pour les hélices, j'ai calculé les coefficients à l'aide de la formule de Boucher issue du livre RC Aero Design (P = Pas x Dia4 x 9.10-15 / 2). Les deux courbes de rendement en fonction de la puissance consommée sont données ci-dessous. Cela fait beaucoup d'approximation, mais pas plus que dans beaucoup de calculateurs. Et puis le but est simplement d'avoir une bonne idée de l'écart de rendement, et la précision est suffisante pour cela.

CALCUL DU RENDEMENT DU MOTEUR EN FONCTION POUR TOUTES LES POSITIONS DE LA COMMANDE DES GAZ

Le résultat est intéressant, car on voit que le rendement est à peu près constant quelle que soit la position de la puissance consommée, excepté quand celle-ci est très faible.

Il est un peu frustrant de ne pas pouvoir faire le lien entre le rendement et la position du manche de gaz. En fait ... en y réfléchissant bien cela n'apporte pas grand-chose d'un point de vue pratique. En effet on voit qu'avec cette propulsion, qui consomme à peu près 200 watts pleins gaz, le rendement est constant à partir de 40 watts consommés, soit 5 fois moins que la puissance consommée maximum. Si la propulsion est à peu près adaptée au modèle, sous 40 watts consommés on n'a plus assez de puissance pour tenir en l'air (ou tout juste ..). Donc, sur la zone utile en vol, on peut affirmer que le rendement est pratiquement constant quelle que soit la position du manche de gaz.

Attention, cette dernière conclusion est valable avec le moteur et l'hélice étudiés, elle n'est pas forcément transposable à d'autres couples moteur/hélice (enfin elle l'est probablement .. mais il est pertinent de se posé la question au coup par coup).

 

On peut faire la même courbe pour la "grande hélice et superposer les courbes pour juger de la différence.

CALCUL DU RENDEMENT DU MOTEUR EN FONCTION POUR TOUTES LES POSITIONS DE LA COMMANDE DES GAZ

La différence est nette : avec la 9x6 on perd environ 15 points de rendement pour une même puissance consommée.

La différence en termes de puissance est plus claire si on trace la puissance à l'axe en fonction de la puissance consommée :

CALCUL DU RENDEMENT DU MOTEUR EN FONCTION POUR TOUTES LES POSITIONS DE LA COMMANDE DES GAZ

Et là on voit que pour 200 watts consommée, avec la "bonne hélice" la puissance à l'axe est de 137 watts, alors que avec la "grande hélice" elle est de 106 watts environ, soit une perte de près de 25%.

 

nota : il est possible de remonter à l'intensité et à la tension en sortie de pack. Pour une tension donnée en entrée moteur on connait la puissance consommée P en sortie de pack puisque que c'est également celle en entrée moteur que nous avons déterminée plus haut. Par ailleurs nous avons :

  • P = Upack x Ipack (équation 1)
  • Upack = Epack - Rpack * I pack

Avec : Upack et Ipack  intensité et tension du pack, et Rpack résistance interne du pack (réelle en condition d'utilisation ..). Et Epack tension du pack à vide (force électromotrice).

Bien entendu il faut que Epack et Ipack soient connues (mais c'est le cas pour tout calcul de motorisation)

Donc il suffit de remplacer Upack dans l'équation 1, on obtient une équation du second degré en Ipack qui se résout facilement. Et une fois qu'on a Ipack on calcule sans problème Upack .

Quel intérêt ? et bien par exemple quand on fait le calcul d'intensité pour une position intermédiaire de commande de gaz ne pas faire le calcul pour des valeurs ou la tension en entrée moteur serait supérieure à la tension en sortie de pack... Par exemple avec un pack 3S, même complètement chargé, et ayant une résistance interne de 15 milliohms la tension en sortie de pack ne pourra jamais être supérieure à 11.85 volts ...

 

Pour finir : parmi ceux qui ont lu cet article jusqu'ici (bravo à eux) J'en vois qui se grattent la tête et se disent que la courbe de rendement d'un moteur c'est quelque chose de bien connu, tracé en fonction de l'intensité généralement, et que se demandent pourquoi on a besoin de se creuser les méninges sur ce sujet ... Et bien tout simplement parce que :

  • Sur la courbe de rendement habituelle, chaque point correspond à une hélice donnée, et à la position du manche plein gaz. Pour une hélice donnée un seul point s'applique (avec un moteur donné et une tension donnée bien sûr).
  • Ce que nous venons de calculer c'est l'évolution du rendement, pour une hélice donnée, quand nous bougeons la manette des gaz de la position gaz = 0 à la position plein gaz. J'ai tendance à me dire que cela donne une information beaucoup plus riche, puisque nous avons non seulement des renseignements sur ce qui se passe plein gaz (on peut remonter à l'intensité qui traverse le contrôleur, dès lors qu'on se fixe la force électromotrice du pack et sa résistance interne, ou si on veut se simplifier les choses au détriment d'une perte de précision la tension du pack plein gaz), mais aussi une information sur l'évolution du rendement quand on réduit les gaz.

 

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