J'aime bien comprendre ce que je fais et avoir l'impression que je maîtrise les technologies que j'utilise. J'ai bien dit avoir l'impression ...

j'avais eu, au début des années 1990, un Silentius 2000 motorisé en électrique. A l'époque je ne m'étais pas posé beaucoup de questions sur l'aspect théorique de la propulsion électrique. Il faut dire qu'on en était encore à l'époque aux balbutiements de cette technique et le choix en terme de matériel était assez réduit pour un motoplaneur de 2 mètres d'envergure. Bref il n'y avait pas beaucoup de questions à se poser.

Après une période d'interruption j'ai repris avec l'hélicoptère électrique. Le choix des moteurs était plus étendu, les brushless apparaissaient, les lipo commençaient à se rependre même si la majorité volait encore en NicD ou NimH. J'ai donc décidé de m'intéresser à la théorie de la propulsion électrique afin de mieux choisir mon matériel.. Pour cela j'ai commencé par recalculer les équations relatives aux moteur électrique. Bien entendu et même si cet article s’appuie sur des calculs initialement effectués sur des moteurs montés sur un hélicoptère, ce qui suit s’applique également parfaitement aux moteurs d’avions. Sachant qu'au fil des relectures et évolutions de l'article les aspects liés à l'hélicoptère ont presque tous disparu.

Je passe rapidement sur la théorie du fonctionnement du moteur, sur ce sujet je suis un peu dépassé et je risquerai de dire des bêtises, j'y reviendrai peut être plus tard. On retiendra que le moteur tourne à une vitesse qui est proportionnelle à la tension d'alimentation du bobinage diminuée de la tension perdue en raison de l'effet Joule (échauffement du bobinage), le contrôleur (dans le cas d'un brushless, sur un moteurs à balais ce sont les balais et les lamelles sur le rotor qui jouent ce rôle) se chargeant d'une part d'abaisser la tension pour qu'elle corresponde à la vitesse de rotation souhaitée, et d'autre part d'alimenter au bon moment la bobine qui va bien. Dans tout ce qui suit on s'intéresse aux équations relatives au moteur, et la tension est celle aux bornes du bobinage. Dans la pratique, sur un brushless, on ne sait pas mesurer la tension et l'intensité aux bornes du bobinage (avec un matériel simple, c'est différent si on a un oscilloscope), il y aura donc une étape intermédiaire à faire pour passer de ces équations relatives au moteur seul à la modélisation de la chaine de propulsion et aux calculs de dimensionnement de celle-ci. Cela viendra dans un autre article.

 
Le moteur est caractérisé par trois grandeurs :

  • Kv : constante de vitesse qui donne la vitesse de rotation pour 1 volt (en Tours/mn/volt)
  • Io : intensité consommée moteur "à vide".
  • Ri : résistance interne du moteur.

Kv n'est pas vraiment une constante absolue pour un moteur donné, sa valeur dépend entre autres du timing. 

Ri n'est pas non plus vraiment constante, elle varie avec la température du bobinage. Disons qu'entre un bobinage à 20° et le même à 70° la résistance augmente de 20% environ. 

Quant à Io qui apparait généralement dans les datasheet comme une constante n'en est pas une, sa valeur dépend en particulier de la vitesse de rotation du moteur. J'ai fait des comparaisons de résultats entre les deux approches (Io constante et Io variant avec la vitesse), les écarts sont faibles.

Le Ri est important, parce que quand on alimente le moteur avec une tension U seulement une partie de cette tension va servir à faire tourner le moteur. Le reste va être perdu en raison de l'effet joule, qui se traduit par un échauffement du moteur : quand une intensité I traverse une résistance R, la chute de tension aux bornes de la résistance est Ur = R*I . Donc, dans le cas de notre moteur, si la tension d'alimentation est U, la tension qui sert vraiment à animer le moteur est U - I * Ri (I étant l'intensité dans le circuit). : Puissance consommée = Puissance perdue par effet Joule + puissance efficace servant à faire tourner le moteur.


Tient, au fait, les ordres de grandeur courantes de ces valeurs (pour des brushless) : 100 tours/mn/volt à 3500 tours/mn/volt pour le Kv, 0,5 ampère à 4 ampères pour Io et 0,015 ohm à 0,1 ohm pour Ri. Très approximativement.

Dans les équations suivantes :

  •  N est la vitesse de rotation du moteur (en tours/mn).
  • U est la tension d'alimentation des bobinages du moteur
  • I est l'intensité qui traverse le moteur
  • Ri est la résistance interne réelle du moteur, c'est à dire la résistance entre deux des fils d'alimentation du moteur
  • Io est l'intensité à vide
  • Kv est la constante de vitesse du moteur
  • Kc est la constante de couple du moteur
  • Pc est la puissance électrique "consommée" par le moteur
  • Pj est la puissance perdue en effet joule (ne sert pas à faire tourner le moteur, se transforme en chaleur)
  • Po est la puissance perdue en frottements
  • Ps est la puissance de sortie du moteur (puissance à l'axe)
  • C est le couple mécanique en sortie moteur
  • Irmax est l'intensité au rendement maximum
  • Rendement est le rendement ...
  • Rendementmax est le rendement maximum du moteur
  • Irmax est l'intensité au rendement maximum
  • Ibloc est l'intensité au blocage

Le cachet d'aspirine est prêt ? alors on y va. On n'oubliera pas que dans ce qui suit on est plein gaz, donc le contrôleur n'abaisse pas la tension et on retrouve en sortie de contrôleur la tension et l'intensité qu'on a en entrée de contrôleur (donc en sortie de pack).

Pour une tension d'alimentation U et une intensité en sortie de pack I, on a :

  • Tension "utile" (fait tourner le moteur)                           : U - I * Ri
  • Vitesse de rotation du moteur                                       : N = Kv * (U - I * Ri) 
  • Puissance consommée                                                 : Pc = U * I
  • Perte par effet Joule                                                      : Pj = I2 * Ri
  • Puissance consommée à vide à vitesse N                    : Po = (U - I * Ri) * Io
  • Puissance en sortie du moteur  (puissance à l'axe)      Ps = Pc - Pj - Po = U * I - I2 * Ri - (U - I * Ri) * Io = (U - I * Ri) * (I - Io)

Je l'ai signalé plus haut, Po et Io dépendent de la vitesse de rotation du moteur. J'aurais donc du écrire Io(N) et Po(N) mais je ne l'ai pas fait pour ne pas alourdir les équations.

Par ailleurs je reviens sur la valeur de la puissance consommée à vide à la vitesse N, parce que il y a une étape intermédiaire qui m'a posé problème quand j'y ai réfléchi. En fait pour la vitesse de rotation N on a Po = (Uo - Io * Ri) * Io , ou Uo est la tension pour laquelle la vitesse de rotation du moteur à vide est N . Mais la relation N = Kv * ( U - Ri * I) valable au point de fonctionnement du moteur que nous étudions s'applique aussi moteur à vide et on a donc également N = Kv * ( Uo - Ri * Io). Donc U - Ri * I = Uo - Ri * Io ce qui conduit à Po = (U - I * Ri) * Io .

la puissance à l'axe peut également s'écrire Ps = N * C. C'est la même puissance que la puissance en sortie moteur, mais cette fois-ci vue d'un point de vue mécanique et non pas électrique.

Qu'est-ce qu'on peut tirer de tout ça ?

- constante de couple :
 Nous écrivons l'égalité des deux formules donnant la puissance à l'axe du moteur :

         -->   (U - I * Ri) * (I - Io) = N * C
         -->   N / Kv  * (I - Io) = N * C
         -->   (I - Io)  / Kv = C
         -->   C = Kc * (I - Io) en posant Kc = 1/Kv .

Ce qui veut dire que le couple exercé par le moteur est fonction de l'intensité : la relation entre les deux grandeurs est linéaire, la pente est égale à Kc = 1/ Kv.

- Pour une tension donnée, facteurs jouant sur la vitesse de rotation moteur : quand on met du pas sur un hélicoptère la vitesse du moteur chute. Ce qu'on corrige en mettant une courbe de gaz qui a pour effet d'augmenter le % de gaz quand le pas augmente. Cela découle immédiatement de ce qui précède : quand le pas augmente, le couple augmente également, et donc l'intensité. Comme N = Kv * (U - I * Ri) la tension utile diminue et la vitesse rotor qui est proportionnelle à la tension utile diminue également.

Le même phénomène se produit sur un avions quand on remplace une hélice par une autre ayant un pas ou un diamètre plus important : la vitesse de rotation diminue.


Quand on alimente le moteur avec un pack d'accus un deuxième effet se superpose à celui-ci car quand l'intensité consommée augmente la tension de l'accu baisse. Mais ces deux effets sont bien distincts et d'une origine totalement différente.

- Rendement du moteur Pour une tension et une intensité données : c'est le rapport entre la puissance de sortie et la puissance d'entrée. Donc pour une tension d'alimentation U, on peut écrire la formule donnant le rendement en fonction de l'intensité I

          rendement = Ps / Pc = (U - I * Ri) * (I - Io) / (U * I)

- Rendement maximum du moteur pour une tension donnée :

Pour trouver le rendement maximum on dérive par rapport à I (U et Ri sont considéré comme constants) et on dit que la dérivée est égale à 0. On trouve alors l'intensité au rendement maximum. Avant on secoue un peu l'équation pour la rendre plus facile à dériver :

rendement  = ((U - I * Ri) * (I - Io)) / (U * I)

rendement = (U*I - U*Io - Ri*I² + I*Ri*Io)/(U*I)

et finalement  rendement = 1 - Io/I - (Ri/U)*I + (Ri/U) * Io

Je dérive par rapport à I :

d(R)/d(I) = - Io/I2 + Ri/U

Quand d(R)/d(I) = 0 le l'intensité est égale à Irmax :

          Io/Irmax² - Ri/U = 0 -->    Io/Irmax² = Ri/U -->   Irmax² = Io * U / Ri          

 et finalement :   Irmax = racine ( U * Io / Ri ) 

Pour calculer le rendement maximum, on repart de l'équation du rendement et on écrit que l'intensité est égale à racine(U * Io / Ri)

          Rendementmax = 1 - Io/Irmax -(Ri/U)*Irmax + (Ri/U) * Io

          Rendementmax = 1 - Io/(racine (U*Io/Ri)) - Ri/U * (racine(U*Io/Ri)) + (Ri/U)*Io

          Rendementmax = 1 - Io*racine(Ri/(U*Io)) - racine(Ri*Io/U) + (Ri/U)*Io

          Rendementmax = 1 - racine (Io*Ri/U) - racine(Ri*Io/U) + (Ri/U)*Io

          Rendementmax = 1 - 2 * racine (Io*Ri/U) + (racine ((Ri/U)*Io))²

Et donc : Rendementmax = (1 - racine (Io*Ri/U))²

On voit que le rendement maximum dépend uniquement de la tension d'alimentation, de la résistance interne du moteur et de l'intensité à vide. En particulier on remarque que quand la tension augmente le rendement augmente également. On a donc intérêt à utiliser le moteur à la tension la plus élevée possible (pas seulement la tension d'alimentation du contrôleur, mais aussi la tension interne dans le moteur. c'est à dire voler avec le plus de gaz possible, ce qui se fera sur un hélicoptère en ayant un pignon bien adapté et sur un avion en choisissant la bonne hélice).

Augmenter la tension d'alimentation sur un moteur donné est mathématiquement le moyen d'améliorer le rendement. Ceci étant cela va conduire à des effets collatéraux, comme la nécessité sur un avion d'utiliser une hélice plus petite, ce qui ne va pas forcément dans le bon sens pour le rendement global de la chaine de propulsion.

 Au passage, on peut écrire Rendementmax en fonction de Irmax :

           Rendementmax = (1 - racine (Io*Ri/U))²

          Rendementmax = (1 - Io * racine ( Ri / (Io*U))²

          Rendementmax = (1 - Io / (racine (Io * U / Ri))²

          Rendementmax = (1 - Io / Irmax)²

          Rendementmax = ((Irmax - Io) / Irmax)²

- Puissance à l'axe (de sortie) maximum pour une tension U donnée :

Pour la calculer, et toujours en supposant que l'alimentation moteur est constante, on part de l'équation vue plus haut que l'on dérive en fonction de l'intensité, la dérivée s'annulant pour l'intensité à laquelle la puissance est maximum : 

          Ps = (U - I * Ri) * (I - Io) = - I²*Ri + I*(U + Ri*Io) - U*Io

          d(Ps)/d(I) = - 2*I*Ri +U*(Ri*Io)

          d(Ps)/d(I) = 0 quand 2*I*Ri =U*(Ri*Io)

on remet de l'ordre et on obtient : I(Ps,max) = 1/2*(U/Ri +Io)

Le terme Io est de l'ordre de 1. Par contre Ri est généralement de l'ordre de 0,05 ohm et on voit donc que U/Ri va être très élevé (pour U = 11.1 volts U/Ri = 222 donc l'intensité à puissance maximum est de l'ordre de 110 ampères. Dans la pratique à une telle intensité sur un modèle réduit standard ou le moteur et le contrôleur supportent environ 50 ampères en pointe l'un des éléments de la chaine de propulsion va griller et donc la notion de puissance maximum théorique d'un moteur n'a que peu d'intérêt. La puissance maximum du moteur est en fait liée à sa capacité à évacuer la chaleur crée par l'effet joule (donc en gros liée à sa masse et au refroidissement).

Il suffit ensuite de réintroduire l'intensité dans la formule de la puissance :

          Ps,max = (U - I(Ps,max) * Ri) * (I(Ps,max) - Io)

          Ps,max = (U - 1/2*(U + Ri*Io))*(1/2*(U + Ri*Io) - Io

On remet de l'ordre et on obtient :

Ps,max = (U - Ri*Io)²/(4*Ri)

Pour un moteur donné la puissance maximum théorique ne dépend donc que de la tension d'alimentation. Comme le terme Ri*Io est très faible devant U on peut admettre que cette puissance maximum théorique vaut U²/(4*Ri)

 

Attention, il s'agit d'une puissance maximum théorique calculée. Dans la pratique cette puissance pourrait être maximum pour une intensité supérieure à celle que le moteur peut supporter ..

 

- Intensité au blocage : si le couple augmente beaucoup, l'intensité va augmenter et la chute de tension dans le moteur va finalement être telle qu'elle sera égale à  la tension d'alimentation : le moteur ne tourne plus. donc dans l'équation N=kv(U-I*Ri) le terme U-I*Ri est nul et on a :

Ibloc = U / Ri

L'intensité de blocage ne dépend donc que de U et Ri. On remarque qu'elle est à peu près le double de l'intensité à laquelle la puissance électrique est maximum :

I(Ps,max) = 1/2*(U/Ri +Io) = 1/2 (Ibloc + Io) --> Ibloc = 2 *  I(Ps,max) + Io

Après tous ces calculs, passons à la représentation graphique. J'ai pris l'exemple d'un moteur ayant un Kv de 662 tours/min/volt, Ri = 0.026 ohms et Io = 2.4 ampères.

Dans le graphique ci-dessous j'ai représenté, en fonction de l'intensité, la puissance consommée, la puissance de sortie, le rendement et la vitesse de rotation pour une tension de 14,8 volts.

Equations relatives au moteur électrique brushless

Il y a un point important à bien comprendre concernant ces courbes : elle n'est pas représentative de ce qui se passe au fu et à mesure que l'on augmente les gaz. En effet, augmenter les gaz depuis gaz à 0 jusqu'à plein gaz revient à faire augmenter la tension en sortie de contrôleur (tension d'alimentation du bobinage) de 0 à la tension de l'alimentation du contrôleur (enfin aux pertes dans le contrôleur près). Hors ici on est à tension d'alimentation constante. Donc un seul point de cette courbe correspond à la situation dans laquelle on se trouve (point de fonctionnement, correspondant à l'intensité consommée pour une hélice donnée).

- la vitesse de rotation décroit linéairement en fonction de l'intensité

- la puissance consommée croit linéairement en fonction de l'intensité

- La puissance de sortie décrit une parabole. Le maximum selon la formule ci-dessus est  Ps,max = (U - Ri*Io)²/(4*Ri) = 2088 watts, et il est atteint pour une intensité I = 0.5*(U/Ri + io) = 286 ampères. C'est bien ce que l'on voit sur le graphique. On note que ce maximum ne sera jamais atteint, le moteur ne supportant qu'une intensité maximum de 65 ampères.

- Les courbes de vitesse, puissance à l'axe se coupent en un point qui correspond au blocage du moteur. l'intensité est alors U/Ri = 569 ampères.

- la valeur maximum du rendement est (1 - racine (Io*Ri/U))² = 87,4% pour une intensité égale à racine ( U * Io / Ri ) = 36.96 ampères.

 



Bon et bien voilà une bonne chose de faite. Promis je ne recommencerai pas. Quoique .... Que ceux qui ont abandonné la lecture au bout de quelques lignes ne s'inquiètent pas, on peut parfaitement vivre sans savoir redémontrer toutes ces équations.

 

 

article revu en decembre 2022 puis en mai 2023

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