Courbe de rendement et puissance d'un moteur électrique
21 mars 2010article entièrement revu en janvier 2023.
Les articles décrivant l'aspect théorique donnent les formules de calcul (Théorie du moteur électrique brushless ), j'ai voulu ici visualiser le résultat sous la forme de courbes et comparer les courbes théoriques avec ce que l'on obtient dans la pratique.
Pour cela je prends l'exemple d'un moteur que j'utilise sur mon avion de voltige. C'est un Hypérion Z4020-12S alimenté en 4S. Ci dessous les caractéristiques prises dans la datasheet et celles que j'ai mesurées :
Datasheet | Mesuré | |
Io | 2,4 ampères sous 8.4 volts | 1,9 ampère (recalculé) |
Kv | 660 tours/mn/volt | 656 tours/mn/volt |
Ri | 0.0133 ohms | 0.043 ohms |
Po | - | 0.0077 x N - 26.47 |
Imax | 65 ampères |
- le Kv mesuré est égal au Kv théorique
- Io recalculé à partir de la formule liant Po à la vitesse de rotation est proche du Io de la datasheet. Ceci étant donner Io sous 8,4 volts pour un moteur destiné à être alimenté en 4S n'a guère de sens. Cela correspond à une vitesse de rotation de 5500 tours/mn environ, alors que le moteur tournera entre 7000 et 9500 tours/mn.
- la résistance interne mesurée est plus de 3 fois plus élevée que la résistance interne de la datasheet. Certes dans la mesure je prends en compte les connecteurs et fils en entrée et sortie de contrôleur, ainsi que le contrôleur lui même. Mais cela ne peut représenter que quelques milliohms (disons 10 milliohms maximum)
Dans un premier temps j'ai tracé les courbes dans le cas ou on est gaz à fond avec une tension d'entrée constante de 14,8 volts. Cela ne correspond pas du tout à ce qui se passe en réalité, mais c'est ce qui est généralement indiqué comme données de référence par les fabricants de moteur (qui ne donnent généralement pas la courbe mais la valeur de rendement maximum) ou la littérature.
- On ne peut pas parler de rendement tant que l'intensité n'est pas suffisante pour faire tourner le moteur (il faut qu'il y ait une puissance transmise à l'axe et donc que l'on puisse parler de rendement). Dans ce calcul fait avec Io le rendement ne commence à monter que quand I dépasse Io. Puis il monte jusqu'à un maximum, et redescend ensuite jusqu'à devenir nul à un intensité qui correspond à l'intensité de blocage. Le rendement maximum est de 91% et il est atteint pour 52 ampères.
- L'intensité de blocage est égale à 1113 ampères !!!
- La puissance monte également jusqu'à atteindre un maximum, puis redescend pour s'annuler lorsque l'intensité atteint l'intensité de blocage. La puissance à l'axe maximum (théorique) est de 4100 watts et est atteinte pour une intensité égale à 558 ampères !!!
Il faut faire attention à 2 points particuliers quand on utilise ces courbes :
- tout d'abord, pour une chaine de propulsion donnée (moteur, tension d'alimentation) et une hélice donnée, un seul point de ces courbes est valide, correspondant à l'intensité consommée avec cette chaine de propulsion. La puissance, par exemple, ne va pas suivre la courbe de puissance au fur et à mesure que l'on augmente les gaz (et donc la tension), la courbe étant tracée pour une tension d'alimentation donnée. Il est bien entendu possible de tracer la courbe d'évolution de la puissance, avec une chaîne de propulsion donnée (moteur donné, hélice donnée), au fur et à mesure que l'on augmente les gaz, mais c'est un autre sujet ..
- dans la pratique un moteur est limité en intensité. En effet l'augmentation d'intensité se traduit par un échauffement du bobinage qui va avoir pour conséquence si elle est trop élevée une dégradation du fil de bobinage (le vernis brûle), des soudures, une démagnétisation des aimants etc ... Le moteur qui sert d'exemple peut accepter une intensité maximum de 65 ampères. On voit donc que la puissance maximum calculée ne sera jamais atteinte, le moteur aura grillé (et le contrôleur aussi) bien avant. De même si on bloque l'axe du moteur l'intensité atteinte va rapidement dégrader le moteur de façon irréversible.
Maintenant voyons ce que cela donne en utilisant les valeurs réellement mesurées sur le moteur. Les échelles ont été conservées volontairement pour faciliter la comparaison :
Et maintenant en supposant que le pack a une résistance interne de 16 milliohms (réaliste pour un pack 4S 5000mA ayant un peu "vécu")
Les courbes ont sensiblement la même forme, mais on voit immédiatement que l'intensité à puissance maximum et l'intensité de blocage sont beaucoup plus faible dans le 2ème et 3ème graphes qu'elles ne l'étaient avec les données de la datasheet. de même la puissance maximum théorique est beaucoup plus faible.
Résumons cela dans un tableau :
Datasheet | Mesuré U constant | Mesuré U varie | |
I au blocage | 1113 A | 344 A | 255 A |
I à puissance axe max | 558 A | 175 A | 130 A |
I à rendement max | 52 A | 34 A | 33 A |
Puissance axe max | 4100 Watts | 1263 Watts | 934 Watts |
Rendement max | 90,9 % | 82 % | 81,9 watt |
Et pour avoir une lecture complémentaire traçons les courbes de puissance et de rendement sur un même graphe dans les 3 cas de calcul. D'abord avec l'échelle complète en intensité, puis en faisant un zoom sur la zone de travail du moteur (jusque à 65 ampères).
- Quand on regarde les courbes sur la totalité de l'échelle d'intensité elles sont très différentes. Surtout pour les intensités élevées, parce que en dessous de 100 ampères les courbes semblent assez proches. Ceci étant dit dans les 3 cas on voit que l'intensité au blocage aura des conséquences néfastes sur le moteur et le contrôleur. Donc en cas de blocage de l'hélice (passage sur le nez par exemple) couper immédiatement le gaz.
De même la puissance maximum ne pourra être atteinte dans aucun des 3 cas (correspond à 130 ampères dans le meilleurs des cas.
- Sur les zooms :
- le rendement maximum réel (quand on utilise les données mesurées) est assez nettement plus faible que celui calculé avec les données mesurées. Par contre faire évoluer la tension en tenant compte de la résistance interne du pack ne change pas le résultat
- la puissance réelle maximum (celle que l'on obtient pour 65 ampères, donc plein gaz) varie assez fortement. 900 watts avec les données de la datasheet mais il ne reste que 700 watts si on utilise les données mesurées et que l'on tient compte de la résistance interne du pack. 200 watts c'est un écart qui va avoir un impact significatif sur les performance de l'avion. C'est ennuyeux car si on a acheté ce moteur en espérant en tirer 900 watts et faire monter le modèle à l'infini ... Quelle que soit l'hélice on n'obtiendra jamais plus de 700 watts à l'axe (si on respecte la limite de 65 ampères bien sur) et il faudra changer le moteur. Donc se méfier des calculateurs qui utilisent des données moteur théorique (c'est surtout la résistance interne qui impacte sur le résultat) et à moindre titre ceux qui ne tiennent pas compte de la résistance interne du pack.
En conclusion : ce n'est que du calcul, ce n'est pas entièrement exact mais ... les grands principes qui en résultent eux sont toutefois exacts. Et on retiendra que si on effectue des calculs de chaine de propulsion il est préférable de s'assurer que les données d'entrées sont correctes et que l'on "colle" le plus possible aux données réelles. Il y a suffisamment d'approximations dans ces calculs pour ne pas générer dès le départ une erreur qui comme on le voit plus haut peut être très importante (un peu plus de 20% sur la puissance à l'axe dans le cas présent pour 65 ampères).